Ulysse Chevalier a publié en 1869 301 textes du chartrier de l’abbaye de Léoncel, la dernière étant datée de1303. Entre 1142et 1250, on recense 10 bulles pontificales. Celles d’Innocent II (1142) et d’Eugène III (1147) étendent la protection du pape sur le jeune monastère. Celles d’Alexandre III, en 1162 et 1176, énumèrent les possessions de l’abbaye. En 1183, Luce III autorise les moines à s’adresser à d’autres prélats que les évêques de Valence et de Die alors en conflit. En 1184, il confirme que les cisterciens sont exemptés de la dîme et en 1185, il rappelle que les moines relèvent de la justice ecclésiastique et non de la justice séculière. En 1201 Innocent III énumère à son tour les biens de l’abbaye.En 1247, Innocent III condamne ceux qui attaquent les biens des monastères et plus précisément veux de notre abbaye. En 1250, depuis Lyon, il exempte les moines du paiement des péages sur le blé, le vin, la laine et les animaux qu’ils acquièrent pour leur propre usage. D’autres textes émanent des évêques de Valence ou de Die, des abbés, prieurs ou doyens des monastères et chapitres de la plaine. le plus souvent à propos de donations en terres, de garantie, et parfois de tractations , Certains religieux font des dons personnels.
Nombre d’autres textes émanent de seigneurs laïques accordant aux moines une protection, notamment dans leurs déplacements et charrois, des exemptions de péages et de taxes. Beaucoup font des donations en biens fonciers, ou en droits divers, pas toujours complètement désintéressées puisqu’ils évoquent leur salut et celui de leur parenté. Il s’agit,en 1178 de l’empereur Frédéric Barberousse qui cite à son tour les possessions de l’abbaye sur lesquelles il donne une précision essentielle à propos de Saint Roman. Il s’agit à plusieurs reprises des comtes de Valentinois (Adémar, Guillaume, Aymar de Poitiers), d’autres puissants seigneurs proches ou plus lointains comme André, dauphin de Viennois, comme les comtes Raymond de Narbonne et Toulouse, Sanche de Provence, le duc de Bourgogne ou Arbert de la Tour du Pin. Plus souvent, les seigneurs du voisinage, nombreux et parfois modestes suscitent ou font l’objet de chartes. On peut citer, dans une liste non exhaustive Odon de Tournon, Pierre Odon ou Guigues de Suze, Raymond ou Genesius de Châteauneuf sur Isère, Aelmos, dame de Châteaudouble, Lantelme de Gigors, Guidelin de Royans, Dame Flote de Royans, Lambert de Flandènes, Raynaud et Eustache de Brion, Odon de Quint, Arnaud Tempeste de Rochefort, Grenon et Falcon d’Esparvier, Humbert Ferrand, Lambert d’Eygluy ou Gontard de Chabeuil.
De petites gens, le plus souvent des donateurs, sont à l’origine d’autres textes. Les lieux d’émission et de rédaction sont extrêmement divers on peut en citer quelques uns dans le plus grand désordre, : Léoncel même (nous y reviendrons), Alixan et La Part-Dieu (souvent), Saint Julien en Quint, Le Conier, Eygluy, Châteauneuf, Saint-Nazaire, Valence, Romans, Montéléger, parfois de simples maisons privées ou encore la chambre d’un évêque, ou d’un seigneur, Montéléger, Chabeuil, Aouste, Ambel, Omblèze, Montélier, le cellier de Saint-Julien (actuel Beaufort), Preuré de Saint Felix, Die, Pontaix, Alixan, Chatusange, l’officiel de Valence, châteaudouble, l’Eglise d’Hostun, ou encore Tamée, près d’Oriol, Saint-Martin le colonel ou le col de Biou…
DE QUELQUES CHARTES ELABOREES A LEONCEL MEME, ENTRE 1169 ET1250
La première charte rédigée à Léoncel de façon indéniable date de 1169 — Hoc autem factum et confirmatum est in ecclesia beatae M.(ariae) Liuncelli…testes sunt domnus Hugo abba eiusdem loci cum omni conventu –. Il s’agit de la donation faite devant huit témoins par Lantelme de Gigors d’un vaste territoire pas très précisément défini, mais qui concerne la « Montagne du désert », Ambel et Gardi.
Alors que les moines savent fort bien que le problème des donations consiste à obtenir leur reconnaissance par les générations qui suivent celle du donateur, on enregistre en 1185 la confirmation par Lantelme de Gigors fils, des largesses paternelles au col de Tourniol, sur la Chauméane, et près de l’ église de Saint Roman, faites devant dix témoins, auxquels s’ajoutent cinq personnes qui témoignent de l’accord de son épouse et de sa fille.
En 1191, le jour des Rameaux, dans la salle capitulaire de Léoncel, en présence de l’abbé Pierre, du prieur Apollinaire, du sacristain Guillaume, de 10 moines et cinq frères convers, Raymond de Brion, seigneur de Baix (Plan-de-Baix), renonce au profit de Notre-Dame à 4 sétiers d’avoine, 2 de seigle et 2 de froment qu’elle lui devait au titre de cens, de divers pâturages et aussi de tous ses droits « en montagne » depuis le Chaffal jusqu’au col de Tourniol.. La scène se reproduit à Die , devant l’évêque, puis au château de Baix où son épouse donne son accord.
En 1191, Odon de Quint, partant en pèlerinage à Saint Jacques de Compostelle, concède à l’abbé Pierre et aux frères de Léoncel le droit de faire pâturer leurs troupeaux à Font d’Urle et Ambel dont son père et ses frères avaient déjà fait donation.
En 1192 « devant l’auditorium » des convers, Artaud Tempeste, le jour de la mort de sa mère, confirme le don de cette dernière portant sur la condamine des Fontaines — on appelle condamine une pièce de terre labourable faisant ou ayant fait partie de la « réserve seigneuriale »– et il ajoute ce qu’il possède en montagne depuis le Pêcher jusqu’au col de Tourniol. Ensuite il accense aux moines l’autre moitié de la condamine et supplie les moines de lui pardonner son agression et son vol de bétail commis dans la grange de Valfanjouse.
Le 27 mai 1192, trois jours après la conclusion d’un accord conclu au col de Biou avec les chartreux du Val Sainte Marie de Bouvante, le chapitre de Léoncel l’approuve définitivement. L’évêque de Die appose son sceau. Font de même les abbés de Bonnevaux et de Léoncel et les prieurs de la Grande Chartreuse et du Val Sainte Marie.
En 1198, à la Toussaint, dans la salle du chapitre, Lambert de Flandènes confirme son renoncement à 5 sétiers de seigle et autant d’avoine, dûs chaque année pour la donation faite en 1173 à Saint-Nazaire, d’espaces situés entre le col de Biou, le col de la Bataille, Le Chaffal et le col de Tourniol
En 1202, Lambert d’Eygluy, devant le chapitre de Léoncel, confirme tous les dons de ses prédécesseurs, notamment en ce qui concerne Saint Roman, tout près de Combe Chaude. Il se déclare protecteurs des Frères. Il reçoit 50 sols.
En 1212, à Léoncel, Eustache de Brion, partant lutter en Espagne contre les Sarrasins veut réparer les injures que sa mère et lui ont infligées à l’abbaye. Devant Guillaume, le sous prieur, et tout le couvent, il ouvre aux moines les pâturages de tout le Mandement de Baix, pâturages dont il exclut les troupeaux « étrangers » au monastère, sauf ceux des cultivateurs du Mandement. Approbation au château de Brion d’Aalis, sa mère, de Blandine,son épouse, de ses quatre fils, d’un chevalier et de son épouse et du chapelain de Brion en présence de six moinesde chœur et de 7 convers.
En 1213, Ponce de Mirabel se donne à l’abbaye. Les moines l’accueillent fraternellement. Pour le salut de sa famille, il fait aumône de tous les droits qu’il possède depuis la balme de Saint Roman jusqu’au col de Tourniol, et de divers pâturages. Son épouse et ses fils , avec leurs femmes et enfants, confirment son aumône par des serments. Sont témoins l’abbé, cinq moines et 9 autres personnes.
En 1214, Guielina, épouse de Lantelme de Gigors se donne à Notre Dame de Léoncel. Les religieux la recevront soit en vie, soit morte, comme une sœur de leur maison et de tout l’ordre de Cîteaux. Ils la recevront quand elle le voudra, avec la permission de son mari et….de son église. En aumône, elle leur donne ce qu’elle possède sur la montagne de Musan et leur abandonne les 20 sols qu’ils lui devaient chaque année pour l’utilisation de ces hauteurs. Présents 11 témoins auquels s’ajoutent l’abbé et tout le couvent.
La même année 1214, Pierre Charniers « donne et vend » (albergement ?) à Notre Dame de Léoncel ce qu’il possède au territoire de Gardi, ainsi que d’autres pâturages. Sa femme, ses trois fils et ses deux filles en font autant, en présence de nombreux témoins .
Le 7 juillet 1216, dans le cimetière de l’abbaye, un arbitrage du prieur de Châteaudouble met fin aux récriminations réciproques des moines de Léoncel et des frères G renon et Falcon d’Espaver, de l’ Epervier, château situé au-dessus de Saint-Vincent. Ces derniers, finalement, cèdent moyennant le versement de 60 sous, leurs droits sur les prés de Charchauve. En l’absence de l’abbé Etienne, malade, c’est le prieur Guillaume qui conduit la négociation.
En avril 1226, Artaud Tempeste donne et concède à l’abbaye les pâturages du Mandement de Baix pour lesquels il recevait un fromage ou 2 sous de cens et confirme les donations faites par ses parents entre la Chaffal et le col de Tourniol, ainsi qu’une terre aux Fontaigneux, au Mandement de Saint-Julien (au pied de l’actuel Beaufort sur Gervanne) et trois sols dûs par les Templiers pour une « cabannaria » près des Fontaigneux. Sont présents et témoins l’abbé Bernard et les moines. Joseph de Suze, Guillaume de Baix, Jacob de Morestel, Pierre Alverniaz, L. de Saint Nazaire et Etienne du Chaffal. Artaud Tempeste promet de faire apposer le sceau de l’évêque de Die sur cette charte.
Le 4 Mai1228, dans le cimetière de l’abbaye, Bertrand, évêque de Die, rend un arbitrage favorable aux moines dans la querelle qui les oppose à Artaud seigneur d’Eygluy et Lantelme seigneur de Gigors à propos de l’ouverture des pâturages d’Ambel à leurs troupeaux et à ceux de leurs vassaux . Les seigneurs sont déboutés après l’exposé de l’abbé, en présence du sous prieur de l’abbaye, de 14 moines et de cinq frères convers, Jacob Jourdan, Ugo, forgeron, Guillaume, responsable des chevaux, Ugo, vacher, et Jean de Baix.
Le 15 juin 1228, Lambert d’Eygluy se rend au monastère pour se faire pardonner ses offenses. Il confirme les donations de ses ancêtres, cède aux moines les pâturages d’Ambel et ceux qu’il possède à Baix et Eygluy. Il abandonne les cens qu’il leur imposait et les droits qu’il détient entre le pont d’Anse et le Chaffal, puis entre le Chaffal et Léoncel. L’abbaye lui donne dix livres. On compte 13 témoins, moines de l’abbaye.
En septembre 1233, Guigues de Suze donne en fief au monastère les droits, propriétés et possessions qu’il détient au quartier de Comberoufle (prés, pâturages, terres cultes et incultes, arbres et bois,rochers et falaises, et tout ce qui peut servir au monastère, en échange d’un cens de 6 deniers viennois à payer à la Saint Martin. Le texte ajoute « fait publiquement dans la maison de Léoncel » devant une quinzaine de témoins. Le seigneur de Suze, ne possédant pas de sceau, emprunte celui d’Humbert de Rochefort qui est apposé sur le texte en présence de quelques témoins, dont le chapelain de Baix.
En Août 1247, Guillaume d’Eygluy abandonne ses prétentions sur les biens donnés à l’abbaye par Hubert Ferrand sur le Vellan (ou au Vialaret) et du Pont d’Anse au monastère. Et, en présence de 7 témoins, il confirme la donation des Ferrand.
Le 1° avril 2010 Michel Wullschleger.