Le plan général adopté s’inspire du plan classique cistercien : cimetière et église au nord,puis s’articulant autour du cloître, aile des moines (de chœur) à l’est, aile des frères convers à l’ouest, aile des « services » au sud. Par rapport au type de plan présenté ci-contre, on peut penser que l’aile des services de l’ abbaye de Léoncel était un peu moins développée, alors que ce plan se retrouve pleinement à Aiguebelle, l’autre grande « drômoise ».
S’agissant de l’église, principal vestige,, on peut rappeler rapidement qu’elle a fait l’objet de trois campagnes successives de construction.
Dans un premier temps, le chœur de style roman très pur et provençal associe une abside voûtée en cul-de-four à l’intérieur et pentagonale à l’extérieur et deux absidioles en cul de four (pas de chevet plat à Léoncel, n’en déplaise à Bernard de Clairvaux !), la croisée de transept couronnée par une coupole sur trompes et des bras de transept, sans arcs porteurs et superbes dans leur simplicité. Le chœur devait être achevé lors de la consécration de l’église par l’archevêque de Vienne en 1188.
Une deuxième campagne met en place une première nef couverte d’une charpente, comme le soulignent les traces d’un solin sur l’arc triomphal, nef peut-être maintenue pendant le voûtement postérieur des bas côtés et de la haute nef centrale.
La troisième campagne, plus complexe met en place des bas côtés voûtés en berceaux, prépare les modifications nécessaires de l’enveloppe de la première nef et, enfin, assure le voûtement de la haute nef centrale (en voûtes d’arêtes ou véritables ogives ?), le poids se trouvant réparti sur les murs et les piliers rectangulaires par l’intermédiaire d’un système complexe de « porte-à-faux » associant des colonnes engagées et de grands arcs latéraux. La particularité de cette haute nef est de faire entrer la lumière par de grandes baies vitrées. Il est possible que l’aile nord du cloître primitif ait été absorbée par le bas côté méridional.
On peut ajouter que les chapiteaux , rares dans les églises cisterciennes et ici uniquement ornés de feuilles d’eau, nous permettent de situer la fin des travaux dans les années 1220-1230. Enfin, il est possible de discerner des influences diverses, liées aux renforts d’artisans venus des régions alentour, influences alpines (clocher de pierre), auvergnates (sifflets de l’arc de triomphe et de la croisée du transept), bourguignonnes (piliers délimitant la nef centrale) et surtout influence provençale très évidente dans l’ensemble du chœur
Cette église a fait l’objet de reprises et restaurations, heureusement « toujours effectuées dans « le droit fil de l’art roman », selon la belle formule d’un architecte en chef des Monuments Historiques.
Assez rapidement est installée, tout près, la grange ou « grandgrange » de Léoncel, première exploitation agricole de nos moines : elle est citée en 1165 dans une première énumération des implantations de l’abbaye « locum in quo ipsa abbatia sita est, cum omnibus suis pertinentibus » (bulle d’Alexandre III de 1165), puis en 1176 (deuxième bulle du même pape) « locum ipsum in quo prefatum monasterium constructum est, cum omnis appendiciis suis ».
Que reste-t-il aujourd’hui de ce monastère : l’Eglise abbatiale, classée Monument Historique par Mérimée en 1840, l’aile des moines fort remaniée mais conservant des vestiges de l’aile orientale du cloître, l’armarium, et des éléments de la salle du chapitre. En dépit de la disparition de plusieurs composantes importantes du monastère et notamment du cloître, Léoncel demeure un ensemble fort suggestif, dans un paysage tout à fait « cistercien ».
l° août 2009, Michel WULLSCHLEGER