Au fil des chartes nous rencontrons des témoins des décisions qu’elles évoquent. Ils constituent une cohorte dont la diversité souligne la richesse de l’environnement monastique et canonial (il s’agit alors des chanoines réguliers) de nos cisterciens.
En 1220 et 1228 nous croisons les prieurs de la Motte Fanjas, dans le Royans. Il s’agit d’un ancien prieuré bénédictin de la dépendance de l’abbaye de Montmajour, animant les paroisses d’Auberives et de Saint Thomas en Royans.
En 1227 un chanoine régulier de Saint-Donat figure parmi les témoins d’un acte du comte d’Albon en faveur de Léoncel. Le collège de chanoines de Saint Donat était un prieuré de l’ordre de saint Augustin.
En 1228 est cité le prieur de Saint-Jean en Royans. Le prieuré dépendait de Montmajour et son importance lui permit d’être qualifié une fois par Rome de « monastère ». L’ouvrage de l’abbé Morin nous aide à localiser les terres du prieuré. La même année nous croisons le prieur de Peyrus dont l’établissement dépendait du grand monastère auvergnat bénédictin de la Chaise-Dieu.
En 1233 figure parmi les témoins, le chapelain de Besayes où existait un prieuré bénédictin de la dépendance de l’abbaye de Saint-Pierre de Vienne.
La même année, à deux reprises nous relevons la présence d’Anthelme, abbé cistercien de Valcroissant (CXIV – 7237 et CXV – 7240). Petit rappel : la fondation de cette fille de Bonnevaux et petite sœur de Léoncel date de 1188, année de la consécration de l’église abbatiale de notre abbaye.
En 1234 il est question d’un prieur d’Aouste. Cette ancienne ville romaine avait accueilli un prieuré bénédictin de la filiation de Saint Géraud d’Aurillac, présente également et de façon plus importante à Saillans.
Le prieur de Saint-Julien en Quint est cité comme témoin ou acteur dans trois chartes de 1245. Son prieuré est dans la mouvance du collège de chanoines réguliers augustins de Sainte Croix, lequel est qualifié de prieuré mais aussi, en 1165, d’ « abbaye » par le pape Alexandre III. Son importance est soulignée par ses liens avec le prieuré de Pont-en-Royans et par son rôle dans la fondation de la chartreuse des Ecouges. Par ailleurs les chartes de 1245 nous indiquent que la famille des Bouillanne était déjà anoblie au milieu du XIII° siècle et que la fameuse histoire du prince sauvée des griffes d’un ours par deux bûcherons de Saint-Julien en Quint ne peut en aucun cas concerner le dauphin Louis II , futur roi Louis XI (1461-1483) alors qu’il est souvent désigné dans ce rôle par la tradition.
En 1247 sont cités Guillaume prieur de Saint Felix et Guillaume Lo Douro, prieur de Montélier. Nous consacrerons un article entier aux relations fréquentes de Léoncel avec Saint-Félix, dont des prieurés étaient situés à Châteaudouble, à Saint-Nazaire en Royans, à Aiguebonne (quartier d’Allex), à Coussaud (quartier d’Alixan) et à Saint Clément (quartier de Mercurol). Le prieuré augustin Saint-Jacques de Montélier était une dépendance de Saint-Ruf.
En 1249, une liste de témoins comprend « Guy, moine de la Chaise-Dieu » (bénédictin) En 1251 nous rencontrons Lantelme, prieur de Jaillans (dépendance de Montmajour), qui gère les paroisses de Sainte Marie de Meymans, de Charpey et de Cerne, près de Barbières.
En 1253 nous relevons le nom de P. Lardaire, prieur de Saint Julien en Quint. L’année suivante on note la présence du prieur de Saint Félix et en 1257, celle du prieur de Monastier Saint Julien (futur Beaufort sur Gervanne).
En 1261, est cité le nom de Pierre d’Estable, moine de Bonnevaux, l’abbaye mère de Léoncel, et en 1262 celui de Nicolas Chambatz, un moine du prieuré de Saint Maurice, de l’ordre de Saint-Benoît, et de la filiation de Saint-Michel de la Cluse dans le Piémont. En 1264, nous rencontrons Thomas, prieur de Coussaud. De ce prieuré il sera question dans le texte consacré ci-dessous à Saint Felix.
En 1266 est présent le prieur de Vérone, près de Saillans : il s’agit alors d’un prieuré augustin qui allait passer avant la fin du siècle aux Antonins comme nombre d’autres dont celui de Sainte Croix.
En 1267 nous croisons à nouveau le prieur augustin de Coussaud, près d’Alixan, ainsi que celui, bénédictin, de Jaillans, de la mouvance de Montmajour. En 1269 il s’agit du prieur de la Motte Fanjas, également bénédictin et aussi de la mouvance de Montmajour.
Nous remarquons que dans le dernier tiers du XIII° siècle, les listes de témoins citent de plus en plus nombreux, des moines et convers de Léoncel, ainsi que des laïcs. Nous rencontrons pourtant en 1290 Guy, prieur de Saint Victor de Genève, sans doute en voyage et à deux reprises (1295 et 1296)Jacques, « clerc d’Aiguebelle » habitant Saint Nazaire en Royans et au service des dauphins de la famille des La Tour du Pin.
Il arrive aussi que l’abbé de Léoncel soit témoin d’évènements importants. A Romans, le 22 février 1245, une sentence arbitrale est prononcée par Jean, archevêque de Vienne et Pierre Barral, seigneur des Baux (Provence). Elle concerne Philippe de Savoie, « élu » de Valence (élu évêque mais non encore consacré) et Adémar de Poitiers. Au comte sont attribués les châteaux d’Etoile (d’où le prélat pourra emporter tout ce qui lui appartient) et de Chabrillan. L’élu reçoit l’évêque une partie de Crest (celle qui correspond à la part de Silvion) et le château de Divajeu. Ademar tiendra de l’élu Châteaudouble, en franc fief, sans obligation de le rendre ; on l’absout en ce qui concerne la partie inférieure de Crest, engagée à l’élu Guillaume par Ademar l’ancien pour 2000 livres, et le château de Montéléger détruit par lui pendant la trêve. Mais il donnera en compensation à l’élu 5000 livres viennoises ou valentinoises. « Fait dans la maison de l’archevêque en la chambre voutée supérieure. Les témoins sont Arnaud abbé de Léoncel, Bernard, prieur du Val Sainte Marie de Bouvante, Adémar, supérieur de Bressieux, Bernard seigneur de Chanteau, Humbert Palos et son fils Josserand, Guillaume prieur de Saint Felix, Roger de Clérieu, Maître P Morestel, Arbert de Faillans sacristain de Die, Arbert doyen de Valence, Guigues prévôt de Valence, Ponce viguier, Bernard d’Etoile. Par acte spécial Adémar désigne comme garantie les châteaux du Pouzin, de Gigors et de Pontaix. Et le prélat les terres de Saint Marcel et de Châteauneuf sur Isère. Bel exemple de la complexité des évènements liés à la guerre des Episcopaux. (Archives de l’Isère B 3521 – RD 8132).
DE QUELQUES AUTRES RENCONTRES
CELLE DES CHARTREUX DE BOUVANTE.
A plusieurs reprises, dans les affaires des moines cisterciens, le prieur de la chartreuse du Val Sainte Marie a joué le rôle de médiateur. Le 17 mars 1225 à Saint Nazaire, près de la Tour Guillaume de Poitiers, l’époux de Flote du Royans, concède à la maison de Léoncel, à l’abbé Bernard et aux frères, certaines possessions dans le Mandement de Marches qui étaient de son fief et ratifie les donations de terres qui faisaient partie de son domaine. Tout ce qui sera tiré de chez lui par terre et par eau sera exempt de péage. Il reçoit 20 livres et le pardon de certains dommages. L’acte bénéficie de la caution du père du donateur Adhémar de Poitiers et d’Humbert, prieur du Val Sainte Marie. On note la présence du prieur et de frères de Léoncel. (Cart. CXVII – RD 6768)
Le 10 mars 1245, Bernard Monier, prieur de la chartreuse du Val Sainte Marie de Bouvante, accepte d’être l’arbitre à propos d’un différend entre Léoncel et Saint Felix au sujet de la possession de certaines terres proches du Conier. Les deux parties promettent d’accepter la décision sous peine du versement de 25 livres viennoises (CCXXVI – 10422)
Au cellier de Saint-Julien (futur Beaufort), le 20 mai 1266, pour un problème d’introduction de troupeaux sur Ambel, sans permission, alors que la discussion s’échauffe, le frère Lautoard, prieur du Val Sainte Marie, ordre des chartreux, interpose sa médiation qui est acceptée. Les délinquants sont condamnés à une amende de dix livres viennoises (CCXXVI-10422)
A Rochechinard en juin-juillet 1275, le seigneur des lieux confirme à l’abbé Girard et à Notre Dame de Léoncel la donation faite par son aïeul Geelin de Musan et de pâturages au nord de la Lyonne qui se jette dans la Bourne, sauf droit de passage pour les brebis du Val Sainte Marie se rendant en plaine de Valence. Il renouvelle aussi l’exemption de péages et de leydes sur sa terre. Le prieur du Val Sainte Marie appose son sceau (CCXXXVI – 11429)
CELLE DE MOINES MENDIANTS
En 1275, il est question du voisinage de moines mendiants. Par exemple à propos du testament de Lambert de Chabeuil qui élit sépulture dans le prieuré Saint Jean de Chabeuil (prieuré bénédictin de Cluny), près de son épouse Béatrix. Il fait des legs aux églises Saint Apollinaires de Valence, Saint Barnard de Romans, aux abbayes cisterciennes de Vernaison et de Léoncel pour trois anniversaires, aux frères mineurs de Romans, Valence et Vienne, aux Prêcheurs de Valence, aux Augustins de la maison de Marnans (hors cart. 11444)
CELLE DE MEMBRES DES ORDRES MILITAIRES
Voir Cahier de Léoncel n° 22, p. 84-102. Dans la salle du chapitre de Léoncel, le 25 mars 1226 Gontard, seigneur de Chabeuil donne à la maison de Léoncel et à Bernard, son abbé, le pâturage dans le Mandement de Chabeuil suivant le chemin qui descend de Châteaudouble vers les Ormes du Prieur et va droit à Valence vers le Mandement de Montélier, jusqu’à l’étroit de Combovin ; la concession est exclusive de tous autres religieux sauf les vassaux du château, les Templiers et les Hospitaliers de Valence. Il renouvelle l’exemption de péage accordé par ses ancêtres et leurs feudataires. (XCV – 6823)
A Léoncel, le 15août 1226, Artaud Tempeste concède à la maison de Léoncel les pâturages qu’il possède dans le Mandement de Baix et pour lesquels les moines lui servaient un fromage et deux sols de cens. Il leur confire ce sa famille lui de la Sota du Chaffal au col de Tourniol, une terre au Monestier Saint Julien au quartier des Fontaigneux et trois sols de cens dus par les Templiers pour une métairie près des Fontaigneux. (XCVII – 6852)
Au Conier, « dans la grande maison », le 18 février 1240, Gilles commandeur du Barry, vend à l’abbé Arnaud et à la maison de Léoncel un moulin à Corbelières, au Mandement d’Alixan, au prix de 20 livres viennoises.. Accompli sous l’autorité de Bertrand de Mornas, commandeur de l’Hôpital de Valence en vue de libérer la maison de Corbelières des dettes dont elle allait être grevée. Falcon de Plauster, seigneur du lieu et son épouse Agnès reçoivent le plaid et jouiront à la Saint-Julien de trois émines de froment et de 4 sols. (CXXIX – 7771).
En février 1245, un convers de Léoncel confirme sa donation faite près de Chatuzange et de la Part-Dieu. Il avait reçu un poulain d’une valeur de 6 livres viennoises. Son fils évoque quelques donations parmi lesquelles une terre au Sablon, contigüe à celles de la Part-Dieu, une autre près du chemin de Chatuzange à Romans et pour lesquelles les moines lui doivent et lui donnent 24 sols. Il reconnaît en outre avoir donné à l’abbaye une terre contigüe au cimetière de Chatuzange et d’autres près de la route de Valence et des propriétés des templiers pour 8 livres, 8 sols et deux sétiers de froment : aumône ou albergement ? Jean, archevêque de Vienne appose son sceau (CXXXVIII -8124).
Le 24 novembre 1244 à Alixan une veuve, Bona Femina, avec le consentement de son fils donne en aumône à Notre Dame et à l’abbé Arnaud une terre près du ruisseau de Palaia et contigüe à celle des Hospitaliers de Valence. (CLI – 8104).
En octobre 1248, Bertrand de Mormanton, commandeur de la maison de l’Hôpital de Jérusalem de Valence, du consentement de ses frères et de l’autorité de Bertrand, commandeur de Saint-Gilles, vend à Ponce, abbé de Léoncel, au prix de 8 livres, monnaie de Vienne ou de Valence, ce que sa maison possède dans la paroisse de l’église de Chatuzange et une terre dans celle de Charlieu (CLVII -8481).
En octobre 1251, Odon d’Alixan accepte un échange avec l’abbé Guillaume Pierre Guilardi, commandeur de l’Hôpital de Jérusalem de Valence, au nom de Pierre Gay, commandeur de la maison du Barry, pour mettre fin aux discussions entre les frères de la grange du Conier et ceux du Barry au sujet de l’eau du Pelaia. (CLXIX – 8796)
En février 1293 est réalisé un compromis entre d’une part le curé de l’église de Fiançayes au nom de son église et l’hôpital de Saint- Jean de Valence et d’autre part l’abbé de Léoncel Giraud, le tout avec le consentement de Pierre Arnaud commandeur de l’hôpital de Valence. Il s’agit de la restitution de blé pris sur des terres de l’abbaye et du paiement du 1/45ème des fruits des terres que l’abbaye tient dans la paroisse de Fiançayes. Sauf si ces terres sont cultivées par les moines eux-mêmes selon un privilège inscrit dans le corpus Juris. (CCLXVIII -14149)
ON NOTERA ENCORE…
…le « don » des Augustins de Marnans (aujourd’hui en Isère) qui, en 1263, albergent aux cisterciens de Léoncel des parties d’un bois de Charameys près de Montchenu et le tiers de celui de Feus, sous le cens annuel de 2O sols de monnaie viennoise payables à la Saint André, avec quelques « réserves » concernant le droit des paroissiens d’Arfoliae d’utiliser l’herbe des pâturages , les feuilles et les branches, sauf de la Saint Michel (29 septembre) à Noël (CCX -9961)
Et enfin que les moines de Léoncel sont bénéficiaires, avec d’autres, de legs annoncés dans le testament de Ponce Bertrandi qui se donne corps et âme à l’abbaye de moniales cisterciennes de Vernaison (archives de Vernaison – 10217)
Le ler juin 2015, Michel WULLSCHLEGER.