LES BULLES DES PAPES INNOCENT II ET EUGENE III
« Innocent, évêque, serviteur des serviteurs de Dieu, à nos chers fils Falcon, abbé de Léoncel, et à ses frères présents et futurs, institués selon la règle.
Il convient à la clémence » du siège apostolique d’aimer les personnes religieuses et d’accorder à leur demeure le secours d’une bienveillante protection. C’est pourquoi, chers fils en Notre-Seigneur, nous avons accueilli favorablement vos justes demandes et nous prenons sous la protection de Saint-Pierre et la nôtre la maison de la bienheureuse Mère de Dieu de Léoncel, ou vous êtes consacrés au service divin, privilège qui vous est assuré par le présent écrit. Nous voulons que vous et vos successeurs jouissiez en paix et en toute sécurité de tous les biens et revenus que votre monastère possède aujourd’hui justement et selon les règles des saints canons, ainsi que celle de ceux qu’il pourrait à l’avenir acquérir , ou recevoir de la bonté des évêques, de la munificence des princes et des rois, de la charité des fidèles ou de toute autre manière juste, selon Dieu et sous ses auspices. Que nul donc, ni clerc, ni laïque n’ait la présomption d’exiger de vous la dime des champs que vous cultivez de vos propres mains et à vos frais, ou de la nourriture de vos troupeaux. Si à l’avenir quelque personne, soit ecclésiastique, soit du siècle ose enfreindre témérairement ce que nous venons de statuer et persévère dans sa mauvaise action, après avoir été avertie deux ou trois fois, qu’elle soit privée de ses pouvoirs et de ses honneurs, qu’elle sache qu’elle est coupable devant le Souverain Juge ; qu’elle soit privée de la communion au corps et au sang de Jésus notre divin Seigneur et Rédempteur, et qu’elle s’attende à subir au dernier jour un jugement sévère. Quant à ceux qui respecteront toujours à votre égard les règles de la justice, que la paix de Notre Seigneur Jésus Christ soit sur eux ; qu’ils recueillent dans ce monde le fruit de leurs bonnes oeuvres et qu’ils reçoivent dans la vie future la récompense de la paix éternelle. Amen, Amen, Amen … Donné au Latran le 2 des nones de janvier, l’an de l’Incarnation 1141, la 12° année de notre pontificat ».
L’année commençant alors à la fête de Pâques, il faut comprendre que pour nous le texte date de janvier 1142. Nous n’avons pas retenu les noms et qualités des six dignitaires de l’Eglise qui ont cosigné ce texte avec le pape. On les trouve dans le cartulaire. Par ailleurs il faut souligner que si le pape dispense les religieux de l’ordre de Cîteaux du paiement de la dime, la question se posera en réalité, notamment en fonction de l’origine des terres impliquées, jusqu’au XVIII° siècle.
Cinq ans plus tard, le 26 mars 1147 le pape Eugène III, en visite à Cluny adresse à l’abbaye de Léoncel une nouvelle bulle de protection du siège apostolique. Il reprend pour l’essentiel le discours de son devancier. Eugène III, élu en 1145, disparut en 1153. Le texte est également cosigné par six dignitaires. Le nom de l’un d’entre eux se trouvait déjà sur la bulle d’Innocent II.
CHARTES DE PROTECTION DES PUISSANTS LAÎCS ET ECCLESIASTIQUES
Sept courts textes, postérieurs à 1147 et dont le dernier date de 1163 attestent de la sollicitude des puissants locaux ou plus lointains envers le jeune monastère. Ils émanent des comtes de Valentinois, des évêques-comtes de de Valence, de Raymond duc de Narbonne et comte de Toulouse, de Guillaume de Clérieux, Tous souhaitent faire savoir qu’ils protègeront les moines de Léoncel et leurs animaux dans leurs montagnes comme dans leurs déplacement, et qu’ils les dispensent d’un certain nombre de taxes.
Ainsi vers 1147 Adhémar de Poitiers, comte de Valentinois accorde à l’abbaye cistercienne située dans une montagne de ses domaines le secours de sa protection pour les animaux qui transportent au profit des frères tout ce qui leur est nécessaire. Il menace ceux qui viendraient à s’en emparer et molester leurs conducteurs. C’est le problème de l’insécurité des chemins de montagne.
Bernard, évêque de Valence confirme à Léoncel l’exemption de péages accordée par ses prédécesseurs Eustache et Jean (l’ancien abbé de Bonnevaux). Il appose son sceau sur la charte, en présence de l’abbé.
Guillaume de Clérieux, l’ancien, abbé de Saint-Felix de Valence et sacristain de Saint Barnard de Romans, oncle du futur protecteur de la communauté de la Part-Dieu dans les années 1190, exempte l’abbaye de Léoncel de tout péage, leyde et servitude, ordonnant à ses bailes de la protéger et défendre comme « sienne ». Les leydes sont des taxes levées sur les marchandises, denrées et bestiaux vendus dans les foires et marchés.
En 1158, Guillaume de Poitiers, comte de Valentinois notifie à ses châtelains, à ses bailes et à tous ses hommes qu’il a pris sous sa protection et donné un sauf conduit aux moines de Léoncel. Il lui est revenu que des gens de sa terre et de son père Adhémar volent leurs biens. Il interdit à tous de mettre la main sur les serviteurs de la Vierge ou sur leurs possessions, spécialement les mulets qui leur apportent le nécessaire.
Vers 1159, puis à nouveau en 1163, Raymond de Narbonne, Comte de Toulouse et marquis de Provence exempte l’abbaye de tout péage, leyde et servitude (obligation), et il accorde aux personnes et aux bêtes de somme du monastère le libre parcours « sur terre et sur l’ eau ». Il ordonne en conséquence des ordres à tous ses collecteurs et receveurs. On sait que des abbayes cisterciennes de Provence comme Ulmet et Sauveréal produisaient du sel.
En 1163 Falcon, évêque de Valence et « gardien » de la maison de Jérusalem (Ordre de Saint Jean de Jérusalem) renonce aux corvées de bœufs et à des cens que lui devaient à Montélier les frères de Notre Dame de Léoncel. Ce renoncement pose le problème d’une éventuelle appropriation des terres concernées par les moines cisterciens.
1er avril 2013 Michel Wullschleger